Située au pied des montagnes de l’Atlas à une quarantaine de kilomètres de Chichaoua, la ville d’Imintanout vit depuis, vendredi soir, au rythme de son carnaval de « Boujloud », un événement alléchant et riche en shows et danses organisé, annuellement, dans le cadre de la célébration de l’Aid Al Adha.
Amplement ancrée dans les traditions des autochtones et héritée de génération en génération à travers de longs siècle d’histoire, cette fête populaire de Boujloud (homme de peaux) est l’occasion donc de revivifier et perpétuer tout un rituel ancestral qui se trouve intimement lié à l’Aid Al Adha.
Il s’agit d’un événement majeur organisé depuis des lustres, dans la liesse et la joie collective, autour d’un personnage satirique, déguisé en peau de mouton ou de bouc, avec un visage arborant un masque, généralement une gueule de mouton, orné de cornes, ou tout simplement teinté en noir.
Collant à la main des pattes de mouton, « Boujloud » connu également sous l’appellation de « Bilmaouen » en amazigh, a pour mission de sillonner les ruelles tout au long de la journée, le plus souvent accompagné d’autres individus déguisés, ou d’un groupe d’enfants dont, la tâche consiste essentiellement à collecter des dons et de l’argent auprès du public tout au long de l’itinéraire emprunté, afin d’échapper aux coups de « Boujloud ». Un spectacle donné le plus souvent au rythme des grands tambours.
Si cette fête populaire est organisée depuis les temps dans nombre de villes et de campagnes à travers le Royaume, généralement le deuxième jour de l’Aid Al Adha pour durer encore 2 à 3 jours, elle a de plus en plus tendance à disparaitre, de nos jours, dans nombre de villes et de régions.
Il est presque 20h, une effervescence remarquable et une agitation qui sort de l’ordinaire est observée dans différents quartiers de la ville d’Imintanout, à l’instar d’ »Afela’N’Talat », « Tazrout », « Izouran », « Sidi Ali’O’Isshak » et « El Kasbah ». L’occasion en est le Carnaval de « Boujloud » tant attendu par petits et grands, hommes et femmes, comme l’illustre un public venu en masse investir différents coins de la ville, et assister et apprécier les multiples shows et spectacles programmés pour la circonstance.
Alors que certains enfants et femmes, le regard émerveillé, ont choisi de venir assister à ce spectacle inédit, d’autres, au contraire, ont préféré le suivre depuis les terrasses et fenêtres de leurs demeures.
Une autre manière pour les habitants et les hôtes de la ville d’Imintanout de rompre avec la routine des longues journées ensoleillées et où, le mercure a atteint son summum en cette saison estivale, les obligeant à ne pas quitter leurs maisons qu’en cas d’extrême nécessité. Le Carnaval est donc une occasion de pouvoir renouer avec ce cérémonial ancestral de « Boujloud » qui, lui aussi, n’a pas échappé aux effets de la modernité et aux aléas du moment en y associant, désormais, moult shows des arts de la rue.
Dans ce sens, certains jeunes portant des masques de créatures bizarroïdes et espiègles, qui semblent sortir des ténèbres, ont continué à défiler et à danser au rythme des sonorités de Gnaoua, suscitant, subtilement, un mélange de sensations et d’émotions chez le public, notamment chez les femmes et les enfants dont, les visages affichent, le temps de ce spectacle inédit, « joie », « émerveillement » et une certaine « peur » de cette vague de créatures à découvrir.
Non loin, d’autres « artistes », dans des gestes synchronisés et maitrisés, font bouger et faire danser des marionnettes géantes, alors que d’autres portaient des statues en bois représentant des hommes en habits traditionnels marocains.
« Le Carnaval de Boujloud » à Imintanout se veut donc une véritable occasion festive et un moment de retrouvaille tant attendu entre familles, amis et proches, le temps de passer ensemble des moments inoubliables, de mémoriser l’instant et d’apprécier des shows exécutés, avec brio, par « Boujloud » et ses compagnons autour de plusieurs thématiques en rapport avec la fertilité de la terre, l’alternance des saisons, la mort, les êtres vivants…etc.
Près de trois heures durant ces belles soirées de l’Aid Al Adha, nombre d’artistes déguisés en monstrueuses créatures ou vêtus de costumes confectionnés à partir de peaux de moutons et de chèvres, ont pris l’habitude de défiler, en début de soirée, à travers les ruelles de la ville aux rythmes de grands tambours et Qraqeb (crotales), pour le plaisir et le bonheur de tous.
Et pour que le tout soit organisé dans les règles de l’art et permettre au public de passer d’agréables moments, les autorités locales, les services de police et les éléments des forces auxiliaires n’ont pas lésiné sur les moyens pour assurer la fluidité de la circulation au niveau des artères de la ville, et garantir toutes les conditions optimales d’organisation d’un Carnaval digne de ce nom.
Toujours côté organisationnel, si plusieurs associations dédiées à la préservation et à la pérennisation du cérémonial de « Boujloud » ont vu le jour il y a quelques années, à l’initiative de jeunes, au niveau des quartiers les plus peuplés et les plus anciens d’Imintanout, d’autres préfèrent en cette circonstance heureuse, se déguiser en solo en « Boujloud » et se fondre dans la foule, pour créer de l’ambiance et prendre part autrement aux festivités programmées.
Pour les « Boujloud » en solitaires, un tel déguisement ne s’opère guère de manière aléatoire ou anarchique, mais demeure assujetti à une procédure spéciale mise en œuvre par les autorités compétentes de manière à ce que les personnes concernées soient identifiées à l’avance, avec des badges attribués comportant leur identité et la zone d’activité. L’objectif étant d’éviter tout débordement ou comportement illicite et maintenir un degré élevé d’organisation.
Dans une déclaration à la MAP à cette occasion, Mohamed Akdim, chercheur en patrimoine et culture locale, a expliqué que pour le phénomène de « Boujloud », tel que célébré chaque année dans la région, à l’occasion de l’Aid Al Adha, les études historiques et anthropologiques réalisées laissent constater que ce cérémonial remontait à la période antéislamique au Maroc.
Le plus important d’un point de vue anthropologique ou historique, c’est que ce phénomène artistique et culturel diffère d’une région à l’autre et de ce fait, on n’a pas un seul type de « Boujloud » qui est identique à toutes les régions du Royaume, a-t-il ajouté.
Et de poursuivre que le phénomène de « Boujloud » ou « Belmaouen » à Imintanout a été largement influencé par les spécificités locales intrinsèques à cette partie du territoire national, sachant qu’Imintanout a été, à travers de longs siècles de l’histoire, une zone de transit et une étape commerciale indispensable pour nombre de communautés humaines. « C’est pour cela qu’à première vue, le phénomène Boujloud peut apparaître comme +une anarchie organisée+ mais en réalité, il reflète un mélange de danses et de rituels à forte charge culturelle, civilisationnelle et cultuelle, inhérents aux groupes humains locaux, à ceux installés aux alentours d’Imintanout, ou encore des groupes humains ayant transité, à travers l’histoire, via cette zone », a-t-il enchaîné.
« C’est ainsi que dans le cérémonial de « Boujloud », on observe une forte présence de la femme, ou encore de la danse Ahouach et des Rwayess, propre à Imintanout, de la danse Taskiwine des tribus installées dans les montagnes limitrophes, de la danse Ahiyad de la région de Haha, de la danse sahraouie des tribus Ouled Bou Sbaa installées dans les environs….etc. On y trouve également une véritable influence de la culture juive, étant donné que cette ville a connu, à travers l’histoire, une forte présence de juifs jusqu’aux années 60″, a-t-il expliqué.
M. Akdim a conclu en affirmant que ce phénomène reflète, de ce fait, l’ensemble de ces cultures, désormais, portées par les jeunes de la région, ce qui illustre une certaine synergie, cohésion et enrichissement mutuel d’un point de vue culturel, artistique voire même humain dans la région, avec à la clé cet esprit d’ouverture, de dialogue, de partage et d’échange avec autrui qui caractérise les habitants de la zone.
Dans une déclaration similaire, Mbarek Ezzabak, président de l’Association Imintanout pour la revivification du patrimoine, a dit toute sa joie et sa fierté de l’organisation de ce cérémonial de « Boujloud » qui, a-t-il dit, se veut l’occasion de célébrer des traditions ancestrales purement amazighes, notant que d’une édition à l’autre, on assite à une évolution des rôles, avec l’apparition aux côtés de « Boujloud » dans sa forme traditionnelle, de nouveaux personnages.
« Nous sommes fiers que la ville d’Imintanout dispose de son Carnaval de « Boujloud » et notre ambition est de jeter la lumière davantage sur ces traditions ancestrales, les diffuser à plus grande échelle, et les promouvoir et les pérenniser pour les générations montantes, tout en veillant à ce que ce rendez-vous soit développé d’année en année », a-t-il dit, mettant en avant l’excellence de l’organisation de ce Carnaval grâce à l’implication effective de tous.
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