Dans un fracas de ferraille, un utilitaire chargé de matériel de récupération circule dans les rues silencieuses de Scaër (29). La léthargie des lendemains de défaite à la coupe du monde règne sans partage dans le centre-ville de la commune la plus étendue du Finistère. Nous sommes pourtant en mai, les beaux jours sont de retour et les jolis ponts poussent les gens vers la photosynthèse revigorante.
Un tiers de la population se retrouve dans les hangars
Pas ici. Il y a de la vie quelque part, dans cette commune de 5 000 habitants (5 245 selon les derniers chiffres), mais il faut la trouver dans la vingtaine de hangars mis à disposition par leurs propriétaires. Depuis trois à six mois, selon les besoins, et comme tous les deux ans, ils prennent des allures studieuses. Un bon tiers de la population communale s’y retrouve chaque soir, chaque week-end, et pendant tous les temps libres. Dans la discrétion – parce que le secret, il ne faut pas y compter, quand même -, les différents comités du Carnaval à l’Ouest de Scaër préparent les chars de celle qu’on appelait encore la Cavalcade avant la covid.
Ce qui fait les tripes de la Cavalcade, c’est la fierté de se rassembler et de faire quelque chose d’unique ensemble
« Ce sont les associations qui font leur propre char et fonctionnent de façon autonome. Elles se réunissent autour d’un projet commun. Le Carnaval est un événement qui repose uniquement sur les bénévoles », rappelle Pierre-Yves Fiche, le président du comité organisateur. « Ce qui fait les tripes de la Cavalcade, c’est la fierté de se rassembler et de faire quelque chose d’unique ensemble. »
Diablement fédérateur
« On va au char » : c’est le cri de ralliement de générations de Scaërois. « C’est comme ça qu’on se retrouvait quand j’étais gamin, et c’est ce que les enfants se lancent en montant sur leur vélo pour venir au hangar », abonde Dominique Le Lann, 67 ans, et presque autant d’années de Cavalcade. « Je crois que je suis le plus ancien sur les chars », dit celui qui ouvre ses hangars de Loge Gaor aux amis de son comité. « Actifs, retraités, enfants… Tout le monde se retrouve et tout le monde a une place. Ici, il y a des Scaërois, des gens de Landerneau (29), de Rennes, de Tarbes… Certains ont déménagé et reviennent, d’autres viennent rejoindre des amis. C’est comme une micro-entreprise et il faut gérer ça. Loge Gaor, c’est à peu près 80 à 90 personnes, mais il y a des comités où ils sont jusqu’à 150… Faut être un peu fou pour faire quelque chose comme ça. »
Il y a ici plein de talents cachés, des gens qui se dévoilent
Sur l’espace de l’exploitation agricole et de quelques bâtiments, les troupes se relaient pour sculpter une œuvre d’art sur roues à la beauté éphémère, préparer des milliers de fleurs en papier, fabriquer des confettis à la broyeuse ou coudre les costumes. « Il y a ici plein de talents cachés, des gens qui se dévoilent. » De jeunes chaudronniers, un architecte, une spécialiste de la mode… L’école de la Cavalcade a suscité des vocations. « Les enfants apprennent des choses. Cela permet de prouver qu’on est capable, et ça valorise la personne. »
Vie et mort d’un char à fleurs
« Certains, on ne les a pas vus depuis quatre ans, et là, on vit ensemble tous les week-ends », sourit Julien Le Lann, le fils de Dominique, qui a perdu de vue son propre garçon, Maxence, occupé à explorer les entrailles d’un duc des enfers en pleine séance de modelage. « Le thème de cette année, c’est Les Anges Formidiables », présente Pascal Pérez. « Dans le comité depuis trente ans », il observe l’installation d’un mât de chariot élévateur dans la structure. « L’ange va monter jusqu’à 7,50 m, 8 m de haut et (attention : spoiler) s’élever pour prendre le dessus sur le démon. Il faut être précis. On a ici toutes les compétences, des gens qui sont dans la mécanique, d’autres qui vont faire de la soudure ou vont préparer le plâtre pour couvrir le char, il y a aussi de la peinture, de la couture… »
J’ai inventé une machine pour tailler des ronds dans les bobines de papier, mais ciseler les fleurs, ça prend 10 minutes en moyenne. Là, il nous en faut 10 000
Et des fleurs, par milliers. Dominique Le Lann en est fier. « C’est la spécialité de Loge Gaor. Autrefois, la plupart des chars le faisaient. Si les autres ne le font plus, c’est qu’il y a une raison. On va couvrir le char de fleurs en papier, qu’il faut découper et plier. J’ai inventé une machine pour tailler des ronds dans les bobines de papier, mais les ciseler, ça prend 10 minutes en moyenne. Là, il nous en faut 10 000. »
Coup de main expert
Pendant que Dominique referme la porte du hangar où sont stockées des dizaines de lourds rouleaux de papier crépon, un couple se présente à lui avec de nouvelles fleurs. « Ils viennent chercher des ronds pour faire des fleurs, qu’ils ramènent ensuite. Même s’ils ne sont pas au hangar, ils contribuent chez eux à faire le char. » La plupart des fleurs en papier vont éclore dans une annexe, habitée par les discussions joyeuses des femmes qui ont le coup de main expert. « On a l’habitude, il en reste encore 8 000 d’ici à samedi, mais ça ira… »
À Loge Gaor, rien ne se perd, tout se récupère et se grime
Dominique Le Lann assemble de son côté les rouages des ailes de l’ange, avec quelques arceaux rouillés. « Ce sont les restes d’un ancien char sur le thème du cirque. Dès que je trouve quelque chose, je récupère. Tout le temps, toute l’année. Parce que ce n’est pas quand on en a besoin qu’on trouve. J’ai travaillé des années à la papeterie de Cascadec. Les bobines avec des défauts, celles qui auraient dû finir à la benne, elles servent encore aujourd’hui pour nos fleurs ».
« La ferraille, ce sont des poteaux électriques inutilisables ! Tout est bon à récupérer. Même notre char, il sera déconstruit après la fête du 15 août, et le polystyrène servira à refaire des figures… Il n’y a que la peinture qui coûte un peu. Au final, notre char revient à une soixantaine d’euros. » Quelques centaines d’heures de travail pour des liens resserrés, des vocations trouvées et deux tonnes de confettis pour arroser la commune de joie les 28 et 29 mai.
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